Il est des villes où l'équipe municipale a conscience qu'elle n'a l’exécutif seulement parce que le plus grand nombre a voté pour eux, mais qu'une partie de la population, elle, ne l'a pas fait, pense autrement, avait proposé d'autres projets et a même – eh oui... des représentants élus. Peut s'installer alors un débat démocratique où chacun bien entendu, défendra son point de vue mais où chacun pourra développer aussi son argumentaire et ses idées.
Il en est d'autres où l'équipe municipale considère qu'elle est seule aux commandes, seule capable, seule à tout contrôler, et ce, par la sainte onction d'un suffrage quinquennal. Entendons-nous bien, je ne suis pas en train d'appeler à une démocratie directe, bien trop dangereuse par le populisme qu'elle entraînerait nécessairement, mais il y a sans doute une marge entre celle-ci et cette dérive autoritaire.
Ma petite expérience de 4 mois comme un de vos représentants minoritaires au sein du conseil municipal de Menton m'incite à penser que notre ville fait plutôt partie des secondes.
Non pas en conseil municipal, car la parole nous est donnée et nous pouvons nous exprimer normalement. Au passage, nous sommes souvent les seuls à le faire, car je n'ai encore jamais entendu le groupe FN demander la parole par exemple. Mais pour exercer pleinement notre rôle d'élus, il convient quand même de pouvoir porter nos idées et nos contre-propositions devant les mentonnais, pas seulement dans cette alcôve feutrée et largement méconnue qu'est le conseil municipal.
Un débat démocratique digne de ce nom devrait quand même être porté à la connaissance de tout le monde, c'est même sa raison d'être, pour qu'il ne soit pas confisqué par un petit groupe d'initiés. Je pense que c'est d'ailleurs la principale source de défiance que bon nombre de personnes ressentent en ce moment et qui s'exprime par ces mouvement citoyens sur internet ou les Nuits debout, cette incompréhension grandissante entre nos élus et nous, quand ce n'est pas carrément du rejet et du vote inconsidéré aux extrêmes. L'autorité publique dans sa grande sagesse a d'ailleurs prévu la chose :
Depuis la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l’expression de l’opposition. La loi vise toute publication d’une collectivité dès lors qu’elle a une visée informative et qu’elle s’adresse à un large public et non à un public restreint.
Un espace doit donc être réservé dans chaque bulletin d’information générale (CAA Versailles, 17 avril 2009, Commune de Versailles, n° 06VE00222). Pour respecter les dispositions du CGCT en la matière, il faut encore que l’espace dédié aux élus de l’opposition soit suffisant et équitablement réparti (TA Nice, ord. réf., 15 décembre 2008, Commune de Menton c/ Mme P. Gérard et « Menton Démocratie », n° 0806670), ce qui sera le cas lorsqu’il permet aux élus de l’opposition de défendre leur position.
Oui, vous avez bien lu, une ordonnance du Tribunal administratif concernant Menton fait aujourd'hui jurisprudence. En effet, le problème n'est pas nouveau et Pascale Gérard avait dû aller jusqu'au Tribunal pour finalement obtenir de la part du Maire contraint et forcé nos 800 malheureux caractères de tribune dans le Menton Mag'. Pour être tout a fait complet sur ce point, une procédure court toujours considérant cette tribune d'opposition insuffisante.
Que croyez-vous que notre bon maire fît ? Il créa une deuxième brochure d'information municipale – oui, on a les moyens à Menton – Menton Infos, publiée tous les 15 jours s'il vous plaît, dans laquelle bien entendu qu'un seul point de vue, le sien, est servi à la population. C'est clairement de la provocation si ce n'est hors la loi.
Alors que faire ? Dans un premier temps j'ai souri – oui, on ne se refait pas. Après tout… mais je n'avais pas mesuré le black-out dans lequel était plongé sciemment les mentonnais… et les élus d'opposition que nous sommes se débattant dans l'indifférence générale. Je décidai donc de poursuivre plus avant.
1) Un courrier au Maire pour régler la chose à l'amiable : Ça me paraissait tellement gros, qu'il accepterait de constater que ce n'était pas normal dans une société qui se dit démocratique. Sans naïveté aucune, je n'espérai pas grand-chose de la réponse ; je ne fus pas déçu : fin de non recevoir. J'avais pour moi d'avoir commencé par là.
2) Le Préfet, me dis-je, est la voix et l’œil de l’État ; il ne pourrait que constater ce manquement au code des collectivités. En effet, il constate bien volontiers que Menton Infos et le site internet de la ville relèvent d'un bulletin d'information générale et par conséquent, devraient prévoir un espace réservé à l'expression des groupes d'opposition. Sur le fond, on est d'accord. Ceci dit, pas d'intervention possible en application du principe de libre administration des collectivités. En gros, il ne peut rien faire, si ce n'est un rappel du genre « ouh c'est pas bien, attention… »
3) Bon, quoi d'autre ? Tribunal donc ? Ce serait encore long… Et puis cela ne l'empêcherait pas d'éditer une troisième feuille de chou et de recommencer. Et me voici en train de rédiger ces lignes comme une bouteille à la mer... Après tout, dans cette société de communication dans laquelle nous sommes, misons sur le blog et les réseaux sociaux, seule communication qui nous reste, pour vous interpeller directement à ce sujet. Simplement que nous soyons tous éclairés de l'art et la manière dont est orchestrée la communication unilatérale de notre ville car enfin, je ne demande pas la mer à boire, je demande juste que la loi soit respectée sans devoir aller au Tribunal pour ce faire. Là non plus, je ne me fais guère d'illusion : la probabilité d'une grande manifestation d'indignation générale me semble relativement faible. Mais bon, j'aurai fait ce pourquoi est fait un élu d'opposition, affirmer ses valeurs et ses désaccords au nom de celles et ceux qu'il représente ; et là, on n'est pas d'accord, c'est contraire aux règles démocratiques, d'une démocratie qui fonctionne j'entends, et non confisquée. Avec un peu de chance, un journaliste s'enquerra de la chose et donnera plus de relief à ces dysfonctionnements par sa propre enquête. Rendre aux vues de tous ces pratiques d'un autre âge est peut-être encore la seule chose à faire pour que la loi soit respectée à Menton comme ailleurs.
NB : J'ai été un peu long... 6637 caractères soit 9 publications dans Menton Mag', soit 18 mois de parution ;-)
1 De marie -
Bravo pour votre article ! on n'attendait pas grand chose de la majorité !
envie d'imprimer votre article et de distribuer ...possible ça ?
j 'ai partage sur facebook , l'article concernant le "nouveau sable des sablettes " quel gâchis !
j'aimerai bien assister à un conseil municipal !
cordialement
2 De chrisdenice -
Voici quelques éléments jurisprudentiels en votre faveur.http://www.localtis.info/cs/Content...
Cordialement