Identité mentonnaise : CARF vs CUNCA

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Je ne veux pas parler ici du mentonnais folklorique ; d'aucuns aimeraient d'ailleurs bien y cantonner la population de Menton dans un passéisme béat et nostalgique. Non, je ne veux pas parler ici de la fête des mai de dimanche dernier au Pian, du mentonasc, du désormais célèbre «bélin !», de la Capeline, de notre Campanin, de la commune libre du Careï ou de SAHM - et j'en passe - qui sont tous, autant les uns que les autres, ancrés plus ou moins profondément en tout habitant de notre ville. On ne sera jamais assez reconnaissants à celles et ceux qui font vivre nos traditions et arts populaires quotidiennement avec persévérance et dévouement. Ce sont nos inlassables ambassadeurs.

Peut-être pourrons-nous en discuter ultérieurement, mais ce qui me fait titrer aujourd'hui ce billet «identité mentonnaise» c'est l'alignement récent, et malheureusement attendu, de la CARF à la CUNCA. Amener nos décideurs à une question simple : Qu'est-ce qu'être mentonnais aujourd'hui en 2009 ?

Pour celles et ceux qui regardent ces grandes manœuvres de loin et de façon circonspecte, qu'en est-il de «CARF» et «CUNCA» ? La CARF (Communauté d'agglomérations de la Riviera Française) est petit à petit entrée dans les esprits. Comme on sait souvent le faire en France, on a ajouté un nouvel échelon administratif entre le Conseil Général et la commune sans en faire disparaître d'autres : c'est l'intercommunalité. Il s'agit, et c'est une bonne idée, de faire des économies d'échelle entre plusieurs communes limitrophes avec des transferts de compétences des mairies vers les communautés d'agglomérations. Aussi, nous connaissons la CARF principalement pour les transports en commun et sa gestion, la collecte et le tri de nos ordures ménagères ; il y aurait là aussi beaucoup à dire. L'idée est bonne, la réalité est critiquable car le mode de désignation des «conseillers communautaires» parmi les conseillers municipaux - eux élus - n'a rien de démocratique. Passons.

Qu'est-ce que la CUNCA ? Eh bien c'est une communauté urbaine, celle de Nice Côte d'Azur, mise en place par Christian Estrosi à la fin de l'année 2008. Une communauté urbaine répond aux mêmes motivations que les communautés d'agglomérations à deux choses près :
1- Elles sont constituées autour de grandes villes «centres», sur un territoire urbanisé majoritairement.
2- Une commune intégrant une communauté urbaine ne peut plus s'en retirer.

Or que vient d'annoncer conjointement les maires de Menton et Roquebrune, les deux principales communes de la CARF ? La dissolution pure et simple de la CARF dans la CUNCA. Il ne s'agit encore que d'une annonce dans la presse locale... car le conseil communautaire ne s'est pas encore prononcé.

Quels sont leurs arguments, si on arrive à lire entre les lignes ? Il yen a qui sont recevables, d'autres moins ; dans tous les cas le débat vaut d'être posé.

  • 1- L'argument financier vient en premier. Cet argument, il convient de le récuser. Il joue sur la peur de manquer de financements, ce qui est faux et populiste. Les projets seront toujours financés par une entité administrative qui en a la compétence. Les transferts de postes budgétaires sont d'ailleurs loin d'être à l'avantage des communes si l'intégration doit se faire, et qui plus est, les communes de l'est du département devraient composer avec Nice.
  • 2- La disparition programmée du Département. Autant l'avouer tout de suite, j'y suis personnellement pour. Les communautés d'agglomérations, ou de pays dans les zones rurales, sont maintenant solides et bien implantées. Il convient de supprimer l'échelon départemental qui n'a plus lieu d'être, les communes restant l'échelon de proximité, et la région capable de négocier au niveau européen. Les compétences actuelles du département passeraient ainsi pour partie aux régions, et pour partie aux communautés locales. La nature ayant horreur du vide, on s'empresse d'agiter l'argument de la disparition du département pour faire de l'intégration à la CUNCA, appelée à le remplacer, une nécessité absolue ; sans la CUNCA, point de Salut ! Là encore, il convient de manier cet argument avec précaution, car cela balaye un peu vite la viabilité d'une CARF autonome à l'est de Nice.
  • 3- Un dernier argument avancé par JC Guibal est, par contre, à prendre en considération. Il consiste à dire que si cela ne se fait pas aujourd'hui, cela se fera demain inéluctablement. Il est vrai que si l'on regarde une carte et que l'on se penche sur l'aménagement de nos territoires, tout un chacun peut aisément voir la conurbation littorale Cannes-Menton comme un tout, un seul et même espace vécu. Étant un tout, elle devrait être administrée comme telle.

Vrai. Quatre remarques cependant :

  • Si l'argument est vrai, cela ne peut se traduire pour autant par un blanc seing donné à Christian Estrosi. Quel est le projet de la CUNCA ? Parce qu'entre l'OIN de la plaine du Var et le tramway, je ne suis pas sûr que Menton puisse facilement faire valoir ses droits au conseil de communauté dans lequel Nice dominera largement.
  • Seconde remarque, cela voudrait-il dire que la CARF seule n'est pas viable ? On dispose pourtant d'atouts qui nous sont propres. Le relief tel que nous l'avons, nous cloisonne de Nice. Notre bassin d'emploi est tourné vers Monaco plus que vers Nice. La frontière italienne nous permet de développer des projets transfrontaliers avec l'Europe s'il y avait la volonté politique de le faire. Les bassins de Sospel et de la Roya sont tournés vers Menton. Il y a une autre carte à jouer que celle qui nous est servie, celle d'un est du département qui se développe avec ses spécificités, libre et indépendant de ses décisions. Et quand bien même faudra-t-il intégrer la CUNCA un jour, ce serait alors pour un bénéfice mutuel, et non d'emblée et de manière unilatérale sans projet ni perspective.
  • Ensuite, cela suppose que l'ouest fasse de même. Qu'envisage de faire la CASA ? Cannes et Bernard Brochand ? S'il y a cohérence d'ensemble, alors peut-on le faire d'emblée ? Si Cannes ne se manifeste pas, pourquoi braderions-nous Menton à Nice ?
  • Enfin, tout cela manque fortement de démocratie. Un conseil communautaire en catimini, et le tour sera joué, sans consultation aucune des habitants, Menton inféodée à Nice, et sans possibilité de retour.

Gérard Spinelli, maire de Beausoleil, a été le seul à émettre des réserves à cette annonce. Souhaitons-lui de parvenir à porter la contradiction au sein du prochain conseil communautaire de la CARF. Affaire à suivre.

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